la prescription pénale recule, recule, recule...
La prescription des infractions répond à un impératif de paix sociale : il est un moment où si des poursuites n’ont pas exercées, il est trop tard pour le faire. Ceci bénéficie aux auteurs d’infractions qui ne peuvent plus être poursuivis. Ceci bénéficie également aux victimes d’infractions à qui il n’est pas infligé de revivre les faits dont elles ont souffert.
Pourtant, l’idée même de prescription est attaquée régulièrement, car l’idée qu’un auteur d’infraction puisse s’en sortir aisément juste en raison du temps qui passe choque une frange de la population dont certains magistrats. Ceci fait écho avec l’idée selon laquelle la justice serait laxiste, idée soutenue essentiellement par ceux qui n’ont aucune connaissance du monde judiciaire.
L’examen de la matière pénale démontre que la prescription recule régulièrement, au prix de jurisprudences contestables et de réformes pénales populistes. Hier, la Cour de Cassation a cru devoir porter un nouveau coup à l’efficacité des règles de prescription. La chambre criminelle a motivé un arrêt en date d’hier ainsi : « Qu’en l’état de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve, la chambre de l’instruction, qui a caractérisé un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites, ce dont il résultait que le délai de prescription avait été suspendu jusqu’à la découverte des cadavres, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision »
Nous apprenons donc que la prescription est suspendue lorsqu’il existe un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites…
La notion de prescription est clairement pervertie : la prescription a pour objet de ne pas revenir sur des affaires anciennes, car elles sont difficiles à juger notamment en raison de la disparition des indices, de la mémoire défaillante des protagonistes et car il est préférable de ne pas agiter les esprits qui ont pu s’apaisement avec le temps. La prescription n’est pas une sanction de l’action publique qui aurait été défaillante. Or ici la cour de cassation justifie sa décision par le fait que les poursuites n’ont pu être engagées.
Il s’agit clairement d’un recul du droit, car là où la répression progresse, les libertés individuelles reculent. Et la protection des victimes, qui est un réel enjeu, n’a rien à faire là-dedans ; en effet ce serait méconnaître la réalité de la chose pénale que d’imaginer que sanctionner toujours plus fait reculer le délinquant ou le criminel.
Ceci nous concerne tous. Ne seriez-vous pas choqué que l’on vous reproche aujourd’hui d’avoir commis un excès de vitesse il a dix ans, alors que vous n’êtes plus à même de vous défendre ?
Enfin, restera à surveiller l’application de la notion d’ « obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites », car dans le cas qui était en cause, il semble que l’obstacle était surmontable : enfants tués à la naissance, à la suite d’une grossesse difficile à percevoir en raison de l’obésité de la mère et d’un accouchement clandestin.
Notre métier, vous éclairer.